Roussel repousse les limites des règlements en assumant l’aliénation menée à son paroxysme tout en parvenant à produire un détournement libérateur qui ouvre des voies inédites au développement de son travail.
Entre défiance et critique de la rigidité des critères universitaires, comment la recherche et la création peuvent-elles être alliées pour favoriser l’exploration ? La bureaucratie institutionnelle impose une surveillance des chercheur·euses, de façon tantôt subtile, tantôt évidente. Jérémie Roussel se confronte et s’approprie les règlementations de la maîtrise en pratiques des arts, parcours de formation de plus en plus emprunté pour prétendre au statut d’artiste érudit. Cette exposition endosse le statut de la recherche en interrogeant le rôle des contraintes universitaires dans la carrière artistique, soulignant ainsi une remise en question de la distinction entendue entre l’activité de recherche et de création. Comment résister à la standardisation qu’ils entrainent?
Roussel repousse les limites des règlements en assumant l’aliénation menée à son paroxysme tout en parvenant à produire un détournement libérateur qui ouvre des voies inédites au développement de son travail, considérant entre autres l’exposition comme le résultat de sa recherche, dont le gabarit du mémoire sert d’objet d’étude. Dans l’exposition, la méthodologie — critère scientifique par excellence — et les formulaires d’évaluations trimestrielles sont renversées non plus seulement pour que l’étudiant-artiste prouve son assiduité, mais plutôt pour que les publics se retrouvent à surveiller le système institutionnel. La monumentalité des heures de travail accumulées depuis l’automne 2021 comprend autant le temps dédié à la création, aux activités professionnelles qu’aux travaux universitaires, témoignant de l’interrelation de ces sphères dans la vie d’un·e étudiant·e à la maîtrise en muséologie et pratique des arts. L’impératif de ce dévouement est imposé par un système dans lequel la relève artistique doit se plier à la normalisation de son propre rythme de vie, en fonction de ce que permet le modèle universitaire et ce qu’il lui impose. Tout cela en devant trouver le moyen de financer et développer sa pratique, lorsque les données collectées démontrent que seulement 12,065% du temps fut consacré à l’exploration par la création lors des cours d’Atelier I et II. Là où le système universitaire influence l’individualisme de la pratique artistique vers l’effacement au profit d’une standardisation de la figure du·de la chercheur·euse, Roussel détourne l’incongruité académique, afin d’en produire une présentation politiquement engagée. Il mène en parallèle une réflexion sur l’ensemble de la recherche-création au profit d’une recherche par la création dans le cadre d’une exposition en galerie universitaire. Ce projet de création incarne une certaine performativité théorique, mais également en tant que méthode de production, d’exposition et d’évolution de savoirs.
La rédaction de ce texte fut réalisée en conformité avec la volonté de Roussel de prendre une posture effacée, laissant place à autrui et à d’autres choses : l’artiste tend à disparaître, remplacé par les protocoles de l’Université, les contraintes de la Galerie UQO, l’intelligence artificielle et les méthodes du lieu d’accueil. Ce texte fut donc rédigé par la commissaire et directrice ainsi que par la coordonnatrice de la Galerie UQO.
Jérémie Roussel vit et travaille à Gatineau, où il poursuit actuellement ses études à la maîtrise en muséologie et pratiques des arts à l’Université du Québec en Outaouais (UQO). Son travail interroge les dynamiques de pouvoir qui modèlent les conventions institutionnelles et aliénantes auxquelles il se bute.Au centre de ses intérêts depuis plusieurs années, Roussel a participé à la réflexion sur les enjeux de la recherche-création en milieu académique à plusieurs occasions. Parmi ses interventions récentes, il a été invité à représenter l’ÉdAC (UQO) lors de l’exposition et du colloque de la 28e Rencontre interuniversitaire des maîtrises en art du Québec (RIMA). En tant que membre du duo 2J2R (en collaboration avec Jessica Ragazzini), Roussel a notamment exposé lors de l’événement XL à AXENÉO7 (2023), suivi d’une première exposition solo au Centre d’exposition Art-Image (2023), dont le projet s’est étendu pour inclure une série d’ateliers-conférences et une table ronde internationale.