La galerie est, pour un temps, un espace littéraire.
Écrire une exposition. Une exposition d’écriture.
La galerie est, pour un temps, un espace littéraire.
Dans une approche de commissariat éditorial menant au dévoilement d’une variété de stratégies d’écriture, l’exposition se donne à lire au public, dans la double forme d’œuvres et de textes, de pratiques et de discours. Sans trame narrative, l’exposition se déploie dans l’accumulation, ou plus justement, dans la parenthétisation de récits interrompus.
En guise de paratexte introductif, le titre de l’exposition (Stefan Brüggemann) est sélectionné parmi plus de 2182 possibilités et est accompagné par un texte théorique (Jean-Max Colard) qui traite de la «titrologie de l’exposition». En franchissant le pas de la porte, il faut marcher sur un texte développé à partir de l’idée de la conversation (Cindy Dumais) pour ensuite faire face à un mur de briques de cire gravées de lettres reconstituant un courriel de rupture (Christos Pantieras). Un audioguide est disponible au bureau d’accueil avec un récit improbable sur l’exposition (Karina Pawlikowski). Un amoncellement de bois au sol sur lequel est posé un téléviseur questionne la traduction entre l’histoire vécue et l’histoire racontée (Marc-Olivier Hamelin). Sur un mur, la retranscription d’un poème, d’une conférence et d’un texte rend visible la totalité du trajet qu’incarne le récit (Simon Bertrand). Au centre de la galerie se trouve une table sur laquelle sont posées les pages détachées et manipulées d’un manuel pédagogique dévoilant le récit d’une femme inconnue (Sophie Jodoin).
Ces œuvres et ces textes sont convoqués dans un même espace pour leur propension à questionner, manipuler et façonner les mots, dans leur matérialité et dans leur effacement.
Couvrant — et parfois combinant — sculpture, vidéo, peinture et dessin, le travail de Stefan Brüggemann déploie le texte dans des installations conceptuelles riches d’une critique sociale acerbe et d’une esthétique post-pop. Né à Mexico et travaillant entre le Mexique, Ibiza et Londres, l’œuvre de l’artiste se caractérise par une fusion ironique du conceptualisme et du minimalisme. De cette manière, la pratique de Brüggemann se situe en dehors du canon des artistes conceptuels exerçant dans les années 1960 et 1970, qui cherchaient la dématérialisation et rejetaient la commercialisation de l’art. Au lieu de cela, son esthétique est raffinée et luxueuse, tout en conservant une attitude punk.
La philosophie du langage est un principe crucial dans la pratique de Brüggemann, dans laquelle le texte fonctionne comme un médium fluide, utilisé à la fois pour la forme et le sens ; son choix de mots typiquement provocateur, acerbe et d’actualité. Le jeu de mots magistral de Brüggemann et sa rigueur conceptuelle s’unissent pour créer une œuvre audacieuse et pertinente axée sur les thèmes de l’appropriation et du déplacement.
Cindy Dumais travaille à Saguenay. Ses recherches en arts visuels et en écriture portent sur la dynamique entre l’intériorité et le monde extérieur, la virtualité de la pensée et la pesanteur du corps. Dans ses œuvres, une sorte de constellation se dessine, interrogeant le dialogue avec soi et avec l’autre ; interrogeant la relation au monde et aux connaissances; interrogeant l’art, ses références et l’origine des idées. Son travail multidisciplinaire est soutenu par le CALQ et se manifeste par des expositions individuelles et collectives, présentées au Canada, à Cuba, en Grèce et en Suède. Son travail fait partie de plusieurs collections privées et publiques. Elle tient le double rôle d’auteure et d’éditrice avec les éditions LaClignotante.
Christos Pantieras est un artiste multidisciplinaire qui travaille la sculpture, l’installation, le dessin et les techniques mixtes. Il obtient un MFA en Sculpture de l’Université York (Toronto, ON) en 2015. Pantieras a participé à de nombreuses expositions solos et collectives dans des lieux de diffusion tels que la Galerie d’art d’Ottawa (Ottawa), Canadian Lesbian and Gay Archives (Toronto), Modern Fuel ARC (Kingston) et AXENÉO7 (Gatineau). Son travail figure dans la collection de la Ville d’Ottawa et dans plusieurs autres collections privées. Il a reçu des bourses du Conseil des arts de l’Ontario et de la Ville d’Ottawa.
La pratique multidisciplinaire de Sophie Jodoin allie le dessin, le collage, la photographie, le texte, l’objet trouvé, et la vidéo. Son travail se concentre sur le corps et ses frontières, l’identité féminine, l’intime, l’absence, et le langage. Son travail a été présenté au Canada, aux États-Unis et en Europe au sein d’expositions individuelles et collectives notamment à la Manchester Art Gallery (GB), au Musée d’art de Joliette, au Musée des beaux-arts de Montréal, ainsi qu’à OBORO et au Centre Clark. Elle a collaboré avec plusieurs écrivains, poètes et dramaturges, dont Wajdi Mouawad, Michael Ondaatje et Christian Lapointe. Elle vit et travaille à Montréal.
Simon Bertrand est né en 1980 et est diplômé de la maîtrise en arts visuels et médiatiques de l’Université du Québec à Montréal. Ses œuvres font partie de collections muséales au Québec, ainsi que de nombreuses collections privées au Québec et au Canada. Depuis 2008, Simon Bertrand réécrit à la main l’intégralité de certains des grands récits fondateurs tels que l’Épopée de Gilgamesh, l’Odyssée et la Bible. Cette démarche se veut une tentative de présenter en un seul coup d’œil l’ensemble d’un livre, d’un texte. Les mots compressés sur le papier forment l’itinéraire emprunté par la main de l’artiste lors de son travail de retranscription ; chaque chapitre devient alors un lieu.
Marc-Olivier Hamelin est originaire de Rouyn-Noranda. Il détient un BFA de l’Université Concordia (2014) et termine actuellement une maitrise en muséologie et pratiques des arts à l’Université du Québec en Outaouais où il étudie les voix multiples en contexte d’exposition. Il a exposé les projets Études sur l’échec au MA, musée d’art (2016) et Il y avait là trois structures (langagière, intérieure ou physique); J’y retourne moins souvent qu’avant, dans le cadre de l’exposition collective The State of Parenthesis commissariée par Marie-Hélène Leblanc à la Galerie UQO (2017). Il a présenté la performance Prendre congé, en collaboration avec Pier-Antoine Lacombe, à la 8e Biennale d’art performatif de Rouyn-Noranda (2016). Son travail examine le dialogue et le geste répété, soulève des enjeux relatifs au langage et à la production du discours, et se matérialise en textes, en vidéos, en installations et en livres d’artiste.
«Quand j’ai accouché, le médecin a reçu un salaire de 462,25$ et pourtant c’est moi qui ai fait tout le travail.»
Depuis trois décennies, j’ai un corps que j’utilise pour faire des actions qui sont rarement rémunérées. J’accouche, j’allaite, j’étudie et je produis des choses: parfois visibles, parfois mangeables, parfois vivantes. Certaines de ces choses sont élevées au rang d’œuvres d’art et approuvées par des acteurs du milieu comme _______________________ (name dropping de votre choix). Mon nom n’apparaît pas sur la liste préliminaire des prix Sobey. Et non, je ne parlerai pas de moi à la troisième personne du singulier.
Détentrice d’un doctorat en études et pratiques des arts de l’Université du Québec à Montréal (2024), Marie-Hélène Leblanc est directrice et commissaire de la Galerie UQO à l’Université du Québec en Outaouais depuis 2015. Sa pratique commissariale l’a amenée à produire plus d’une trentaine de projets présentés dans diverses structures d’exposition au Québec, au Canada et en Europe. Considérant l’exposition comme médium, elle se définit comme commissaire-faiseuse d’expositions-autrice-praticienne-chercheuse. Gaspésienne, elle vit à Gatineau.