Cette exposition est constituée d’une composante historique, d’une composante subjective et d’une composante politique réunies dans une approche commissariale narrative.
Construite à partir des œuvres de Bojan Fajfric, de Milutin Gubash et de Guillermo Trejo, cette exposition est constituée d’une composante historique, d’une composante subjective et d’une composante politique réunies dans une approche commissariale narrative. S’endormir près du monument pendant la révolution propose une forme de récit oscillant entre l’histoire et l’actualité où l’idée du communisme devient le point de convergence. L’histoire est ici déployée dans chacune des œuvres de ces trois artistes: le récit d’une journée cruciale dans l’histoire de l’ex-Yougoslavie, l’histoire d’une carrière artistique monumentalisée ainsi que l’histoire d’une possible révolution matérialisée par l’art imprimé de même que par des objets de protestation. La trame narrative ainsi générée propose une relecture historique et suggère une nouvelle temporalité ancrée dans le présent. Ce projet d’exposition est une réaction à un fait de l’actualité où le pouvoir étatique cherche à rendre hommage aux victimes du communisme dans une capitale nationale proposant une démarche non consensuelle, mais bien réelle.
La narration opérée dans cette exposition participe à l’écriture d’un nouveau récit aux propensions nostalgiques et est construite à partir d’œuvres qui entretiennent un rapport dialogique entre elles. Cette histoire créée de trois pièces participe à une relecture de l’idéologie communiste en déployant par différents dispositifs certains éléments déterminants dans la mise en œuvre de cette idéologie, dont la reconstitution de l’histoire, le monument et la révolution.
S'endormir
La huitième session du Comité central de la Ligue communiste de Serbie s’est tenue les 23 et 24 septembre 1987. Aux yeux des historiens, cette session représente un tournant symbolique et a provoqué la montée du nationalisme et les guerres dans l’ancienne Yougoslavie. L’événement devait introduire une « révolution anti-bureaucratique » qui allait diriger la colère des masses populaires vers la transformation du système communiste à un parti unique. Mais il a surtout brutalement accru les inégalités sociales et causé des conflits ethniques. Le film Theta Rythm de Bojan Fajfric prend pour sujet le père de l’artiste et son comportement en 1987, alors qu’il tombe endormi durant l’une des plus importantes sessions politiques qui va porter au pouvoir Slobodan Milosevic. Theta Rythm consiste en une reconstitution détaillée de ce moment et de la routine quotidienne du père de l’artiste à l’époque. Dans ce film, l’artiste a interprété lui-même le rôle de son père pour remettre en scène cette journée cruciale pour l’histoire de la Yougoslavie.
Près du monument
Dans cette exposition, plutôt que de présenter un inventaire ou une liste de sa production artistique et de ses outils d’atelier (comme ce fut le cas pour son exposition rétrospective informelle In Union, à la Fonderie Darling en 2013), Milutin Gubash cherche à mettre en place une forme qui serait celle d’un casse-tête mis en espace, ou peut-être un genre de « monument » – un endroit où l’on peut flâner et contempler ce que nous attendons de l’art – fabriqué en accumulant tout l’équipement du studio et les objets résiduels des expositions, ainsi que les caisses et les œuvres qu’en tant qu’artiste il a utilisés, créés et exposés jusqu’ici. L’artiste propose ainsi un espace où une nouvelle œuvre est créée à partir des objets et des éléments qui constituent les œuvres d’art. Cette accumulation d’œuvres disponibles lui permet de créer un théâtre d’idées à exprimer, une scène laissant le spectateur intervenir en partie dans sa production. C’est l’exposition d’une exposition où les œuvres d’art deviennent des dispositifs destinés à questionner les pratiques d’exposition et où la forme devient le contenu. On y voit comment une chose exposée devient l’œuvre et comment les œuvres individuelles perdent leur signification singulière au profit d’une autre œuvre.
Pendant la révolution
De son propre aveu, Guillermo Trejo s’est toujours intéressé à la relation entre la presse écrite et les événements politiques. Il utilise les éléments visuels pour explorer des enjeux sociaux. Sa pratique artistique est donc présentée comme une forme de processus poétique, une manière critique d’entamer des discussions et de partager des réflexions sur notre réalité et notre époque. Dans son travail, il explore l’usage et l’histoire de la presse écrite. Ce qui l’intéresse, c’est d’observer la façon dont les processus d’impression sont directement en lien avec notre perception de la politique et des enjeux sociaux, ainsi que le lien étroit entre ce médium et les concepts de « révolution » ou de « protestation ». Selon lui, la qualité fragile et éphémère du papier juxtaposée au contenu révolutionnaire et militaire du texte ou de l’image rappelle par analogie les luttes politiques.
Cette exposition est développée en collaboration avec les Entrepreneurs du commun ainsi qu’Axenéo7 et s’inscrit dans le cadre du projet Monuments aux victimes de la liberté.
Événements parallèles:
MONUMENTS AUX VICTIMES DE LA LIBERTÉ
Entrepreneurs du commun lançait au mois d’octobre 2014 un appel aux artistes canadiens du domaine des arts visuels pour recueillir des propositions de contre-monuments en hommage aux victimes de la liberté. L’appel visait à susciter une réflexion critique autour du Monument national canadien aux victimes du communisme qui doit être construit à Ottawa. L’enjeu était de questionner l’instrumentalisation idéologique du concept de liberté par le gouvernement canadien. Le collectif souhaitait ouvrir un espace de discussion concernant l’acte commémoratif et son rapport à l’imaginaire contemporain du commun. Découlant de cet appel, Entrepreneurs du commun présente une exposition à AXENÉO7, ainsi qu’un colloque à l’Université du Québec en Outaouais (UQO) en collaboration avec l’Université d’Ottawa et l’Université Carleton. En complément à ce programme, une marche urbaine organisée par l’Université Carleton se tiendra sur la colline parlementaire.
Le projet Monuments aux victimes de la liberté est une initiative des Entrepreneurs du commun. Il est réalisé en collaboration avec Axenéo7, l’Université Carleton, la Galerie UQO, Transit, collectif de commissaires et de critiques indépendants, l’Université d’Ottawa et l’Université du Québec en Outaouais. Le projet est également réalisé grâce au soutien financier du Conseil des Arts du Canada, du Fonds de recherche québécois sur la société et la culture et du Groupe de recherche sur les imaginaires en Amérique latine (GRIPAL).
Entrepreneurs du commun réunit les artistes, historiens de l’art, commissaires, philosophes et chercheurs suivants : Erik Bordeleau (chercheur au SenseLab, Université Concordia), Mélanie Boucher (professeure à l’UQO et commissaire), Michel de Broin (artiste), Nathalie Casemajor (professeure à l’UQO), Gregory Chatonsky (artiste), Michael Nardone (poète et doctorant en littérature à Concordia), François Lemieux (artiste), André-Louis Paré (directeur de la revue Espace), Jean-Michel Ross (directeur de la galerie Thomas Henry Ross et commissaire), Stefan St-Laurent (directeur de AXENÉO7), Bernard Schütze (critique d’art).
Bojan Fajfric est né en 1976 à Belgrade, ex-Yougoslavie. Sa formation professionnelle s’est déroulée en dehors de la Yougoslavie, qu’il a quittée en 1995 pour aller étudier en arts visuels aux Pays-Bas. Il a obtenu son diplôme à l’Académie royale des Beaux-Arts de La Haye et été résident de l’Académie royale des Beaux-Arts d’Amsterdam. Ses œuvres font néanmoins toujours référence à son pays natal, à son héritage politique ainsi qu’à d’autres phénomènes sociaux. Une façon particulière de regarder l’histoire marque sa production où les souvenirs personnels s’entrecroisent avec la conscience historique collective et l’inéluctable cours des événements. L’installation vidéo est la forme d’expression qu’il privilégie. Ses œuvres ont été présentées dans de nombreux musées, espaces et galeries, notamment le Salon du Musée d’art contemporain de Belgrade, la Biennale d’art contemporain de Tirana, De Appel à Amsterdam, le MUHKA à Anvers, la galerie Tim Van Laere à Anvers, ARCUS au Japon, SPAPORT à Banja Luka en Bosnie-Herzégovine et le Salon d’Octobre à Belgrade. Bojan Fajfric vit et travaille à Amsterdam.
Milutin Gubash est né à Novi Sad (Serbie) et vit à Montréal (Canada) depuis 2005. Il a présenté des expositions au Québec, au Canada, aux États-Unis et en Europe. Il a notamment exposé au Musée d’art contemporain de Montréal (2007) et sa production a fait l’objet d’une rétrospective coproduite par six institutions à travers le Canada (Rodman Hall Art Centre 2011, Carleton University Art Gallery 2012, Kitchener-Waterloo Art Gallery 2012, Southern Alberta Art Gallery 2012, Musée d’art de Joliette 2012 et Fonderie Darling 2013). Il prépare actuellement une exposition au Musée des beaux-arts du Canada qui sera présentée en 2016. Sa pratique englobe la photographie, la vidéo et la performance et inclut souvent la participation de sa famille et amis qui incarnent une version d’eux-mêmes dans des feuilletons maison, des réinterprétations historiques et des pièces de théâtre improvisées. Par des moyens simples et des gestes souvent absurdes, Gubash questionne nos suppositions au sujet des récits de nos propres identités, histoires et environnements.
Guillermo Trejo est un artiste d’origine mexicaine basé à Ottawa. Il a obtenu un baccalauréat en beaux-arts à l’École nationale de peinture, sculpture et gravure de Mexico et une maîtrise en arts visuels à l’Université d’Ottawa. En 2014, il a participé à la Manif d’art 7 – La biennale de Québec et il a été retenu parmi les candidats au Prix RBC pour les artistes émergents. Il a été artiste en résidence à la Cleveland Foundation dans le cadre du programme Creative Fusion, ainsi qu’au Symposium international d’art contemporain à Baie-Saint-Paul. Toujours en 2014, Guillermo a reçu une bourse du Fonds national pour la culture et les arts du Mexique (FONCA), ainsi qu’une subvention de production du Conseil des arts du Canada. Par ailleurs, Trejo a œuvré comme assistant de recherche au Musée des beaux-arts du Canada. Il enseigne à l’École d’art d’Ottawa/Ottawa School of Art et dirige le projet-pilote Les Éditions de l’ÉAO qui invite des artistes locaux à créer des éditions limitées dans l’atelier de gravure de l’ÉAO.
Détentrice d’un doctorat en études et pratiques des arts de l’Université du Québec à Montréal (2024), Marie-Hélène Leblanc est directrice et commissaire de la Galerie UQO à l’Université du Québec en Outaouais depuis 2015. Sa pratique commissariale l’a amenée à produire plus d’une trentaine de projets présentés dans diverses structures d’exposition au Québec, au Canada et en Europe. Considérant l’exposition comme médium, elle se définit comme commissaire-faiseuse d’expositions-autrice-praticienne-chercheuse. Gaspésienne, elle vit à Gatineau.