Présentation
En octobre dernier, Anouk Verviers amorçait pour toute l’année 2023-2024 à l’Université du Québec en Outaouais (UQO) un projet d’infiltration inédit, prenant place dans le cadre de l’intervention commissariale de Patrice Loubier à la Galerie UQO, dont elle est l’une des artistes invité·es.
Si deux consonnes forment un angle aigu, il suffit de l’arrondir légèrement s’inscrit dans la foulée de la recherche sur le système d’éducation menée par l’artiste au fil de plusieurs résidences et expositions réalisées depuis 2016 (sous le titre d’ensemble d’Au milieu des bureaux empilés). Mais plutôt que de visiter des classes pour recueillir les témoignages d’étudiant·es d’écoles secondaires sur leur expérience du système d’éducation comme elle l’a fait jusqu’à maintenant, Anouk Verviers s’intéresse ici à l’art en désuétude de la sténographie afin d’explorer les zones de passivité et d’actions qui marquent nos rapports aux institutions complexes qui nous entourent. Comme point de départ, l’artiste intervient dans l’Université, en assistant à deux séries de réunions : celles des rencontres des cadres du Vice-rectorat à la recherche, à la création, aux partenariats et à l’internationalisation de l’UQO (VRRCPI), et celles de l’équipe de la Galerie UQO.
À titre d’observatrice admise à ces rencontres, Anouk Verviers recourt à une écriture sténographique qu’elle a spécialement élaborée pour lui permettre de noter sur le vif non pas le contenu des propos qui s’y tiennent (comme cette technique de transcription abrégée sert habituellement à le faire dans des cours de justice ou au Sénat canadien, par exemple), mais plutôt la forme et la teneur de ces échanges. Les symboles sténographiques qu’elle développe servent en effet à transcrire des « modes d’utilisation du langage » plutôt que des paroles, « c’est-à-dire des attitudes, des tons de voix, des regards échangés, des modes d’adresse », comme l’explique l’artiste.
Au fil de l’année, les transcriptions anonymisées de ces réunions, les actions réalisées par l’artiste au sein de l’Université et ses recherches menées avec la communauté donneront lieu à la réalisation d’une nouvelle série d’œuvres et de « dessins de conversation ». L’artiste effectuera plusieurs séjours en résidence sur place et le projet se conclura par son inclusion dans l’exposition à la Galerie UQO qui rendra compte du déroulement de l’intervention commissariale dans son ensemble, en mai-juin 2025.
En s’investissant dans ce projet à long terme et en assistant ainsi durant toute l’année (le plus souvent en mode virtuel, et en personne à quelques reprises) aux rencontres du VRRCPI et aux réunions de l’équipe de la Galerie UQO pour transposer les échanges de leurs participant·es dans ses dessins de conversation, Anouk Verviers contribuera à l’objectif même de l’intervention commissariale de Patrice Loubier : faire de la réalité concrète du travail de la Galerie UQO (et, à travers elle, des activités d’un vice-rectorat auxquelles elle prend part) la matière et le contexte d’une création artistique inédite.
Des nouvelles du déroulement de ce projet seront données à quelques reprises d’ici à juin 2024 par le biais de publications sur les réseaux sociaux de la Galerie UQO.
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Biographie
Patrice Loubier est critique d’art, commissaire indépendant et professeur associé au Département d’histoire de l’art de l’Université du Québec à Montréal. Auteur de nombreux textes, il s’est intéressé notamment à l’art conceptuel, à l’art d’intervention et aux pratiques furtives, que ses travaux ont contribué à faire émerger dans le discours critique. Co-idéateur avec Anne-Marie Ninacs des Commensaux, programmation du Centre des art actuels Skol en 2000-2001, il a pris part au commissariat de la première édition d’Orange à Saint-Hyacinthe (Expression, 2003), de la Manif d’art 3 de Québec (2005) et d’Espace mobile (VOX, 2008), en plus de signer des expositions sur les démarches picturales de Martin Désilets et de Mario Côté. Son travail volontiers exploratoire tend à brouiller les frontières entre recherche, commissariat et création : il exposait par exemple sa pratique d’historien de l’art lors d’une résidence à Skol (2012), et il a orchestré plus récemment, avec des artistes complices, des commissariats furtifs greffés à la prestation d’enseignement.